BARBE BLEUE | Sylvie Nève — Cie du Jarnisy

Par Karen Cayrat.

Le 25 janvier dernier se déroulait dans l’écrin feutré de la salle des fêtes de Valleroy, en Lorraine, et plus précisément en Meurthe-et-Moselle, la dernière représentation de Barbe Bleue de Sylvie Nève, une production proposée par la Cie du Jarnisy. Pro/p(r)ose Magazine était au rendez-vous. Retour sur ce spectacle à la fois hypnotique et effaré, mis en scène et interprété par Anne-Margrit Leclerc, accompagnée à l’accordéon par Loris Binot et Emilie Skrijlel.

 

Théâtre contemporain, théâtre de vie, la Cie du Jarnisy se distingue par une approche singulière étayée par un certain sens de l’engagement. Elle cherche à ausculter notre société, en s’emparant de questions et thématiques brûlantes d’actualité, et en portant certains débats et certaines voix sur le devant de la scène. La condition et la place de la femme en sont un bel exemple et constituent l’une des principales constantes du cheminement de la Cie. En témoignent la force du triptyque Dolto/Dalida/Duras ou encore celle des Serpents de Marie Ndiaye, auréolés de succès en Lorraine. Plus récemment, la Cie du Jarnisy livrait une production inscrite au sein de la même démarche et tout aussi moderne que les précédentes : Barbe Bleue de Sylvie Nève.

Bandeau Barbe bleue
Barbe Bleue de Sylvie Nève, Cie du Jarnisy, © Arnaud Hussenot

La Cie avait choisi une scénographie calibrée et épurée, donnant ainsi le champ libre à l’interprétation habitée d’Anne-Margrit Leclerc, en vue de sublimer toutes les audaces langagières et poétiques du poème expansé de Sylvie Nève, brillante réécriture du fameux conte de Perrault. Trois tableaux, trois atmosphères se succèdent, se bousculent. Ils dévoilent une pléthore de thématiques comme le mariage, l’interdit, le désir, le corps, la perversion, la liberté, la pluralité du féminin, la connaissance ou encore la conscience.

Voix et musiques s’entremêlent, se défient, s’apprivoisent. Voix plurielles, hachées, mystiques, voire incantatoires, d’Anne-Margrit Leclerc qui les incarne toutes. Comme si cette multiplicité de voix, de féminins, de personnages et d’échos s’incarnait dans un seul être, une seule femme, traduisant ainsi les facettes protéiformes que la femme revêt au quotidien. Après s’être absentée des planches pour se consacrer à la mise en scène, Anne-Margrit Leclerc laisse parler son aura et livre une performance remarquée qui nous entraîne au gré des mots. Derrière elle, lumières et images projetées nous plongent dans un ailleurs, dans un nulle part où l’on se perd à l’ombre du temps qui se distord tandis que l’accordéon savamment porté par Loris Binot et Emilie Skrijlel compose une partition où se confondent différents thèmes et ambiances musicales, évoquant des rythmes de bossa-nova, de chants marins, de toccata, de fugue, ou figurent encore l’accompagnement d’un slam enchanté.

Extrait Barbe Bleue
Cie du Jarnisy, extrait du tableau IV de Barbe Bleue, ©Arnaud Hussenot

Le texte de Sylvie Nève apparaît dans toute sa splendeur, invitant à savourer cette « glose » poétique dont le lyrisme, les jeux de rythme et de réminiscences sont pleinement assumés. Ce poème n’hésite pas à nous transporter d’un univers à l’autre, d’un tableau à l’autre, en glissant d’un genre à l’autre. Musicalité, polysémie, saccades, phrases puzzle, c’est une écriture singulière et contemporaine que la Cie du Jarnisy  a choisi à juste titre de promouvoir, n’hésitant pas à partir à la rencontre de nouveaux publics sur le territoire pour les transporter à la confluence du réel et du fantastique.


ciePour plus d’informations sur la Cie du Jarnisy, Pro/p(r)ose Magazine vous invite à consulter le site officiel de la compagnie : https://www.Jarnisy.com/N’oubliez pas de réserver vos places pour assister à la prochaine représentation : Le Pas de Bême, au théâtre-Maison d’Elsa, à Jarny, le 17 mars à 20h30. Et Barbe Bleue sera à Vic-sur-seille le 10 mars et à Metz le 24 mars…