L’homme qui voulait aimer sa femme | Hervé Pouzoullic

Par Jeanne Becker.

Deux ans après la publication du premier roman Le bigorneau fait la roue, les Éditions Anne Carrière remettent à l’honneur l’écrivain breton Hervé Pouzoullic. L’homme qui voulait aimer sa femme, au titre à la fois simple et terriblement original, est une perle, dont la rédaction vous recommande chaudement la lecture. Un ouvrage témoin de la passion amoureuse, celle qui, malheureusement, peut se faire de plus en plus légère et discrète.

Marc, breton (encore !) et Vasilissa sont amoureux. Il vit à Paris, elle vivait à Moscou. Vasilissa quitte tout pour s’installer avec son grand amour, et fonder un foyer au sein de la capitale française. La citation en exergue se fait éclatante :

 

« Un couple est toujours improbable ; il est toujours possible. » Hervé Bazin

Marc nous raconte la première journée de leur vie à deux, vraiment ensemble. Le livre se fait  lettre d’amour, roman passionné, récit d’une introspection, pages où l’on couche les possibles doutes et les nombreuses questions.

 

« Allions-nous trouver le bonheur ? C’est une chose d’avoir des projets amoureux, c’en est une autre de les réaliser. Les escarres de mes expériences ratées se rouvraient. J’avais peur d’être heureux. (…) Quel amour peut résister à la présence de l’autre ? (…) Pour la première fois, l’urgence de s’aimer avait disparu. »

C’est la fin de l’amour à distance ; une fin bienvenue, certes, mais c’est également un saut dans l’inconnu, un certain vertige et la peur du quotidien. Le vouvoiement, les fautes de français, l’humour de situation, mais surtout celui, admirable de légèreté, de la future épouse.

 

« La geôle est au Russe ce que la grève est au Français : un rite initiatique. »

Viennent les premières rencontres avec les amis du fiancé, rocambolesques. L’une tourne au mauvais vaudeville, et la joyeuse troupe finit au poste. Les différentes personnes qui entourent le couple-star sont pleines de vie, et chacun peut reconnaître en elles au moins un de ses proches. La rencontre avec la famille, en Bretagne, est terrible de rebondissements et autres péripéties comiques. Tout un folklore est dépeint, dans ses multiples couleurs, danses et traditions. Mais, pour Marc, Vasilissa, et lui, c’est pour la vie.

 

« Les mafieux russes sont des enfants de chœur à côté de vos parents ! »

Le tout est traité avec poésie et légèreté, car c’est bien l’amour qu’il porte à sa ravissante future femme que Marc souhaite mettre en avant, et avant tout. Sa beauté incroyable. Leurs doux échanges. Leurs caresses intimes. Leurs confessions, tard le soir. Arrivent les beaux projets. Le mariage. Deux enfants, Clara et Mathieu. Et un chien, sobrement nommé Krouchtchev. La ville de plus en plus connue, qui lasse. Les journées au travail, les déplacements. Les premiers désenchantements du quotidien, les petites et grandes histoires de ce dernier. Les amis que l’on voit de moins en moins. La crainte d’une routine qui deviendrait mortelle.

Mais, l’illumination ! Marc désire écrire un livre sur et pour sa femme. Sur tout ce qu’ils ont vécu ensemble, tout ce qu’il pense de sa bien-aimée. Retrouver le temps, reprendre les bonnes habitudes du début, que la passion l’emporte sur les frustrations ; c’est là la mission littéraire que s’est choisie notre protagoniste.

 

« Une lettre d’amour de trois cents pages. »

Le but ? En faire un cadeau et, par la même, rendre leur amour immortel. Et puis, plus Marc écrit, plus il aime. L’écriture solitaire devient même un rendez-vous littéraire à deux. L’objectif est finalement accompli : il aime sa femme comme au premier jour. Non content de cet aboutissement, il éprouve l’envie de partager son écrit. De se faire Marc l’évangéliste, annonçant la bonne nouvelle. S’ensuit, on le comprend bien, un parcours du combattant pour pouvoir, peut-être, un jour, être édité. Le premiers refus, les suivants, la critique acerbe. Jusqu’à un fameux rendez-vous éditorial où on lui conseille de réécrire le manuscrit d’une certaine façon, en suivant les conseils d’un professionnel. Le temps est limité. De plus en plus désengagé au travail, évidemment, Marc veut démissionner. L’ultimatum de sa femme est terrible. Elle menace de partir. Il tente de se faire licencier, sans succès.

Nouvelle mouture, écrite contre vents et marées, et enfin, un contrat éditorial ! Une session de dédicaces. Le succès est en demi-teinte. Puis, le miracle. La reconnaissance. Le tourbillon des interviews radio, TV, les shootings photo. Le pendant : la perte. La rupture. La tentation de l’irréparable. Et puis l’heureux retour ; la vie reprend son cours.

Alors, une question fatidique se pose : écrire encore, ou tout simplement vivre au jour le jour ?


 

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Broché: 250 pages

Éditeur : ANNE CARRIÈRE (18 mai 2018)

ISBN-10: 2843379199

ISBN-13: 978-2843379192