Valse poétique avec Nicolas Vargas | Interview exclusive

Par Karen Cayrat.

C’est hors du livre, sur les planches, que les mots de Nicolas Vargas révèlent toute leur incandescence. Inventif, décalé, le lauréat du Prix SGDL révélation poésie 2017, cultive une approche engagée, populaire et énergique qu’il partage au cours de performances poétiques hybrides. Cette année, le théâtre-maison d’Elsa, qui abrite la Cie du Jarnisy, avait eu la joie de l’accueillir en résidence d’écriture. Le Grand Bal, événement musical et poétique, né de la rencontre du poète avec le collectif Azéotropes, clôturait la résidence et figurait parmi les temps fort du festival POEMA.  

Pro/p(r)ose Magazine : Dans le cadre de votre résidence d’écriture au théâtre-maison d’Elsa, vous êtes parti à la rencontre des habitants de la Communauté de Communes Orne Lorraine Confluences pour collecter leurs souvenirs, leurs ressentis et témoignages concernant une tradition qui se perd, celle des bals populaires. Il en ressort un ouvrage : Bals !  aux éditions Lanskine.  Qu’est-ce qui vous a séduit et qu’avez-vous pensé de cette expérience ? 

Nicolas Vargas : Ce qui m’a séduit : amener l’écriture poétique qui nourrit ma démarche vers une écriture plus dramatique. Ce qui m’a séduit le mélange écriture poétique / écriture dramatique. Je n’avais jamais écrit pour le théâtre avant cela et c’était une envie depuis longtemps. Et puis pour ce projet, j’ai travaillé en faisant un jeu d’aller-retour avec ma correctrice, qui, elle, connaît bien le théâtre. Elle, a su me questionner sur l’évolution des personnages, leur dramaturgie… Aussi pour installer l’action. En poésie on décrit déjà lancé… Là, il a fallu arrondir les angles, expliquer les étapes de changement.. Seul, je ne sais pas si j’y serais arrivé… En cela, BALS ! Marque comme un virage, maintenant,il s’agit de collaborer, de se savoir manquant et se laisser porter par l’Autre.

Pro/p(r)ose Magazine : De quelle(s) façon(s) ces rencontres ont-elles influé sur votre processus de création et comment passe-t-on de la performance au livre ?  

Nicolas Vargas :  J’ai grandi dans un village de 200 habitants. Pour moi, le bal était une des rares occasions de sortie quand j’étais adolescent. Le bal représente une partie de mon enfance mais il est aussi synonyme de souvenirs pour beaucoup d’entre nous, nos parents, nos grands-parents… Ces rencontres m’ont permis de retrouver cette mémoire là qui malgré tout me faisait défaut. Je ne me suis jamais posé la question de savoir comment passer de la performance au livre. J’écris toujours tout en pensant à la scène. Ce sont deux éléments qui interagissent toujours dans ma démarche. Je ne sais pas faire autrement pour le moment. Chaque projet doit avoir une zone d’ombre nouvelle. Mais la scène permet de re-écrire avec les gens l’histoire. J’aime sentir que les personnages continuent d’évoluer. La technique permet aussi de découvrir des choses. La dernière fois, à la Cité radieuse, j’ai fait le vidéoprojecteur.. c’était ma première fois et … j’ai adoré.

Pro/p(r)ose Magazine : D’ailleurs, quel lien entretenez-vous avec la publication papier ? 

Nicolas Vargas : Ça maintient une pression. J’animais une maison d’édition il y a quelques années, je sais le travail que font ces gens, chapeau ! En chaque éditeur sommeille une nuit blanche !

Pro/p(r)ose Magazine : Quel(s) support(s) utilisez-vous lorsque vous vous livrez à la pratique de l’écriture, selon vous conditionnent-ils votre écriture, et si oui de quelle façon ? 

Nicolas Vargas : Alors là ça dépend du projet ! Evidemment, l’humain… Pour Bals ! , j’ai été accueilli par la Compagnie du Jarnisy qui me nourrissait, Emilie m’a accueilli et porté, Hervé m’a amené partout avec une douceur pas croyable à la rencontre des gens, Anne-Margrit m’a fait goûté à la réalité du plateau et Julie son tartare… Et puis je connaissais qui devait jouer BLEU dans LE GRAND BAL, c’était cadeau ! Pour d’autres projets, plus sonores, je peux pas mal travailler avec la touche « coller » et le retour ligne de manière à faire un texte partition ! Je pense qu’il faut une part de fascination. Pour l’histoire, le personnage, ou les gens qui te donnent leur image. Et puis de la détermination, sinon tu arrêtes de suite. Et de l’organisation. Bref, je suis là à te raconter ma vie mais en fait on s’en fout un peu . Ce qu’il faut c’est trouver sa méthode et puis la vie de Nicolas Vargas et sa garbure béarnaise, tu sais quoi… Et puis être contenu, porté et entouré de bons objets.. Là, à Jarny, c’était super… Parce que sans la mirabelle à Paul, le dessin d’Axelle, la dent de lait de Moïra et les boucletes d’Elias, t’arrives pas pareil le matin au travail !

Pro/p(r)ose Magazine :  Le corps est une thématique forte pour vous, je pense ici à votre recueil Emovere par exemple, qui cherche à saisir comment une émotion s’empare de l’être. Vous avez notamment collaboré avec la chorégraphe et interprète, Sabaline Fournier dans le cadre de lectures où vos deux sensibilités se rejoignent. La performance vous permet de donner corps aux mots, de les incarner, les faire entendre. Certains auteurs et autrices ressentent le besoin de partir sur le terrain, d’expérimenter, à l’image d’Anne Calife, qui elle, recherche une écriture qu’elle qualifie de « sensorielle » , d’ « organique »  et qui utilise son « corps [pour inscrire ] les sensations comme sur une plaque photographique » . D’une certaine façon, performer c’est se confronter au monde, s’abandonner et se frotter au regard de l’autre. Quelles sensations cherchez vous à retranscrire et qu’est ce qui à déclencher ce goût, cette volonté de  vous tourner vers la performance ? 

Nicolas Vargas : Aucune idée à vrai dire ! Je ne me considère pas comme performer, ni poète d’ailleurs ! Et ça va ! J’ai pris l’endroit où la liberté était la plus grande. Mon premier spectacle « Mon écriture est laid », je l’ai fait en 1 heure, 10 minute, 1 minute, 3 secondes, et puis après j’ai fabriqué une catapulte pour aller plus vite et… alors quoi ? Et puis, y a pas que performer qu’est s’ confronter au monde, s’abandonner et se frotter nanana hein.. tu le fais, le boulanger de Jarny le fait, tout le monde le fait se confronter au monde.

Pro/p(r)ose Magazine :  Dans VHS, vous faites usage du souvenir pour remonter le fil de votre enfance. Qu’est ce qui a suscité l’envie, le besoin de vous raconter ? Et puisque vous y interrogez également la langue, d’où vous vient votre passion des mots ?  

Nicolas Vargas Dans VHS je tricote autour de cassettes audio ré-enregistrées grâce au scotch vous vous rappelez ? J’aime ce symbole, comme si nous étions des sons de cassettes avec du scotch. Avec des voix d’aïeux qui souffle à travers nous. Le silence m’a toujours fasciné, je tourne souvent autour… VHS c’est le silence d’un petiot, vous , moi submergé par les stars du village. Je n’ai pas la passion des mots. Celle de la langue, sûrement. J’aime la savoir chercher, vivante, glisser, se frotter entre les cailloux pour faire son chemin, comme un cours d’eau. Oui, je crois que ça j’aime bien .. Comme quand tu es dans un pays étranger et que t’as 4 mots dans ton vocabulaire.

Pro/p(r)ose Magazine :  Dans Poéticide, paru aux éditions Quidam, Hans Limon esquisse cette définition de la poésie : « […] la poésie, […], c’est la respiration, la pulsation, c’est couler avec le bateau pompette et trouver ça sublime de couler avec lui, sans forcément devoir le raconter, car on peut aussi le garder pour soi, car la poésie, c’est s’agrandir de soi-même, des autres, et des choses, porter la Création en soi, en être le fruit et le témoin, c’est la vie et la nature multipliées par le génie fertile que chacun porte en soi et qu’il suffit de savoir cultiver […] » Cette définition fait elle écho à la vôtre ? Qu’est-ce qu’un poète, Nicolas Vargas ? Que peux selon vous la poésie aujourd’hui  ? 

Nicolas Vargas : aaaah.. Chaque fois que je vois des jolies phrases comme ça je me dis que je suis un bourrin… j’en sais rien moi la poésie tout ça… je suis super nul à chaque fois pour en parler en vrai .. j’aime l’acte. Je me régale de voir les participants d’atelier, se découvrir, lire leur texte. Là, la poésie est dans son jus. La poésie c’est de la vibration. Du sujet. Du coup, je vois pas.. Si ‘y a a pas poésie, ‘y a rien.

Pro/p(r)ose Magazine Merci Nicolas Vargas d’avoir accepté de répondre à nos quelques questions.

Nicolas Vargas : Merci à vous !


ciePour plus d’informations sur la Cie du Jarnisy, Pro/p(r)ose Magazine vous invite à consulter le site officiel de la compagnie : https://jarnisy.com/ N’oubliez pas de réserver vos places pour assister à la prochaine représentation…