Par Karen Cayrat.
C’est aux éditions Abrüpt que Lucien Raphmaj fait paraître Blandine Volochot, un ouvrage aussi dense qu’étourdissant.
Atypique fantôme dont les reflets se mirent dans les arcanes labyrinthiques du web littéraire et au-delà, Lucien Raphmaj, en bon “latérateur”, expérimente des formes multiples qu’il distord. Son ombre ondoie dans des royaumes oniriques dont il nous livre les clés au fil de ses productions. Nourri par un goût des astres et du désastre, il nous plonge dans un cosmos poétique instable aussi interloquant que foisonnant dès ces premières pages papier/numérique qui nous mènent sur les traces de cette créature singulière, chimère versatile, qu’est Blandine Volochot.
Oubliez tout itinéraire. « Votre nuit voudra fondre. Elle restera de glace. Vous vous présentez comme l’ange de l’apocalypse. Elle vous proposera une mission. Vous irez avec elle. » Elle : Blandine Volochot. Vous progresserez ensemble dans les turpitudes propres à la métamorphose et vous cheminerez dans un imaginaire épais et malléable dont le trouble se ressentira encore après (re)lecture, s’égouttera mais ne s’estompera pas, pour mieux vous hanter et prendre corps en vous.
Dans une hypernuit prodigieuse, Blandine Volochot apparaît comme avatar interstellaire (re)posant à l’infini la question complexe et essentielle de l’absence et de la disparition. Par-delà, se projette une vision de la littérature possédant sa propre poétique et servie par une écriture en fusion, magma hybride décloisonnant les genres littéraires pour s’en créer un nouveau.
Ce texte-mirage se veut « […] être le principe d’incertitude de toute fiction, prenant la part du vide, sans paroles, anonymes, et paroles silencieuses pourtant toujours souveraines, minant le texte, creusant les noms, piégeant les mots, destituant définitivement toute autorité sur le texte. »
Pétrie de réminiscences subtiles et adroitement articulées, on percevra dans cette lave fascinante le spectre de Maldoror et de ses chants, une audace tapageuse et subtile, digne héritière des ambitions de Lautréamont. On surprendra dans la brume les silhouettes de Blanchot, de Volodine, ou encore de Bataille, pour ne citer que ces quelques exemples voluptueux qui participent à l’atmosphère de ces lignes abondantes et curieuses.
Un ouvrage disponible en format papier et numérique mais que Pro/p(r)ose Magazine vous recommande plutôt d’explorer dans sa version « antilivre dynamique” pour une exploration sans précédent de lecture immersive, à 360°. Cela vous semble incroyable ? Riches de leur savoir-faire et de leur esprit aussi inventif que rageur, les éditions Abrüpt l’ont fait ! La circulation se fait au moyen de la souris, dans un espace lunaire et nocturne, l’atmosphère est attisée et mystifiée par l’expérience sonore tandis que des fragments du texte se découvrent de manière non linéaire, d’un survol du curseur ou par clic sur des boutons opalins qui pourront évoquer des étoiles, des constellations. Différents tableaux se succèdent… Une autre manière d’aborder ce texte fécond et sidéral.
Aperçu de l’antilivre dynamique :
Lucien Raphmaj livre ici un étrange objet cosmique et spectral, ouvrant la porte d’un imaginaire inépuisable, poétique et audacieux, dont on se délectera jusqu’à l’éclipse.
EXTRAIT :
« Elle – je dis ELLE mais je sais bien qu’elle n’a plus de rapport avec elle- elle, Blandine Volochot, tout ce qui se rattache à un nom deviendra le regard aveugle des psychés, deviendra la rémanence fantomatique des images, un essaim proliférant d’idées et de métaphores porteuses de métamorphoses intérieures, un nuage charbonneux où la suie des choses passées vient s’inscrire pour s’effacer. »
172 pages
ISBN : 978-3036100883