Par Myriam OH (Ould-Hamouda).
NE LAISSE JAMAIS PERSONNE T’ÉTEINDRE
tu es né pour briller fuis tout ce qui t'éloigne de ta voix intérieure même s'ils nomment ça "égoïsme" méfie-toi des gens sympas qui ne veulent que ton bien ne laisse jamais personne t'allumer à sa guise non plus laisse-toi tomber quand tu es fatigué laisse-toi aller au pathétisme il fait bon parfois filer un mauvais coton en bonne compagnie on entend mieux la lumière dans le noir et puis quand tu te sentiras fais-toi la douceur on n'a rien inventé de mieux quand les temps sont durs tu es né pour briller mais pas tous les jours mais pas par tous les temps fais-toi ce qu'il faut de taches de bosses de fêlures donne-toi le luxe du relief ne laisse jamais personne juger de ton éclat chacun avance par sa propre lumière les éclairages extérieurs ne sont que des points d'étape tantôt on est phare tantôt naufragés ne laisse jamais autre chose que ton cœur te guider le temps n'est pas compté la destination n'est pas la finalité qu'importe le décor on ne jouit jamais qu'au présent tu es né as appris à parler à marcher t'es-tu trouvé? que t'es tu dit? ne laisse jamais personne t'étreindre si c'est pour t'étouffer t'en croiseras des qui font de l'amour des prisons des qui transforment la paix en enfer ne laisse jamais personne t'apprendre la vie telle qu'il la définit tu es né pour crier ta singularité pour t'en faire des rails d'autres au passage ne laisse jamais personne enfreindre ton périmètre de sécurité mais va voir ailleurs à chaque fois que t'es sûr de toi va te faire foutre ce qu'il faut de vie pour vibrer tu es né pour réparer l'étoile que tu es et réapprendre à faire l'amour à la voie lactée même s'ils nomment ça "illumination" ne laisse jamais personne t'éteindre à la force de ses peurs on n'a rien inventé de mieux que la conjugaison du verbe aimer pour se pendre aux branches du possible le temps se chargera des faux plis.
TU PORTES EN TOI UN PAYS
qui n'apparaît pas sur la mappemonde Tu portes en toi une langue qui ne s'écrit pas qui ne se dit pas une langue libre que chante parfois le vent que dansent parfois les nuages Ils essaieront de remettre tes pieds sur les terres de leur pays de te suspendre à leur étendard de te soumettre à leur hymne Ils essaieront de t'apprendre leur langue avec leurs molaires avec leurs incisives les lèvres trop occupées à parler pour embrasser Ils essaieront de te faire croire que tu ne portes rien en toi qu'un pays qui n'apparaît pas sur la mappemonde n'existe pas qu'une langue qui ne s'écrit pas qui ne se lit pas n'existe pas Ils essaieront de faire germer en toi l'idée que tu n'existes peut-être pas que tu as besoin d'eux de leur pays de leur langue pour prendre corps quelque part Ils essaieront Tu les croiras sans y croire quand, fatigué de défendre un pays une langue niés, il te semblera plus reposant de t'effacer toi-même de la mappemonde de ne plus t'écrire de ne plus te dire Tu essaieras Ils te croiront sans voir le pays et la langue que tu portes en toi te rappeler à toi-même la force terrible et superbe à la fois qui est la tienne mais crève à chaque fois que tu renonces à ses yeux que tu dis non à ses reliefs que tu dis non à son inflexion pour un horizon monocorde en noir et blanc où ils te perdront de ton plein gré mais Tu portes en toi quelque chose qui tremble à chaque fois que tu te résous à appartenir à un pays qui n'est pas le tien à une langue que tu ne comprends pas Tu portes en toi quelqu'un qui vit dans le même pays qui parle la même langue qui dit : "je n'existe pas encore mais je ne suis pas loin".
Peur de chuter
Peur de chuter. L'horizontalité l'immobilité, ça me va. Peur d'oublier. Ressasser mes obsessions, ça me va. Peur de mordre. Tes lèvres sur les miennes, ça me va. Rien de grave. Pas d'urgence. Y'a des breaks plus productifs que les trois-huit. Peur de croire au personnage. Peur de me fondre dans le décor. Peur de tout cramer. Pompière. Et pyromane. Avancer et reculer, ça s'appelle danser. Peur de ranger. Le bordel relationnel, ça me va. Peur de repasser. Les faux plis du temps, ça me va. Peur de sécher. Les fuites oculaires, ça me va. Tes lèvres. Sur les miennes. Y'a une langue universelle et elle se pratique à l'ombre.
Une contribution de Myriam OH | Myriam OH (Ould-Hamouda) évolue avec le cœur dans les domaines du social et de l’artistique y trouvant de précieux outils pour planter des graines, qui donneront des plantes et des fruits différents selon le parcours de vie de celui qui les accueille. Dans son écriture, l’oralité a une place primordiale et, outre ses publications dans des revues et l’animation d’ateliers d’écriture, c’est en donnant vie à ses mots par la voix et par le corps, en collaborant notamment avec des artistes de tous bords, qu’elle vibre au plus haut.