Blessures

Par Baptiste Thery-Guilbert.

I.

fenêtre de la voiture ouvertes sur l’autoroute
la vitesse sèchera les larmes des yeux
rouges
qui sur les engelures de mes joues coulent
pour les horreurs qu’il m’a dites hier soir
les paquets de brouillard s’écrasent au pare-brise
puis disparaissent
une foule de
voitures nous
déshabille du regard
autour
je reviens sur mon adolescence
il a oublié qui j’étais (qui nous étions)
donc,
qui je suis (qui)
dans ce parc
abandonné
l’herbe engluée
plus de jardinier
l’herbe chauffée en fonte
colle à la peau
colle à la peau

je voulais m’en aller
je voudrais m’en aller
mieux mais je ne bouge pas
de la ville sans nom
je ne pars pas
j’en partirai
il reste des cheveux sur son cou
comme à ses pieds l’heure d’avant
un tas de cheveux
coupés
tout juste de sa tête de con qui me
dit : viens me voir me voir plus près
que je t’embrasse VASY-Y sans but
c’est fini
pour les horreurs que tu m’as dites hier soir
coulent des larmes sur les engelures de mes joues
que la vitesse la vitesse la vitesse sèchera
sur l’autoroute les fenêtres ouvertes
il plante ses phares dans
mes yeux et dit :
je veux être brûlé après ma mort,
tu le diras à mes parents

II.
il mange une pêche dont
le jus coule et se fixe
sur la peau du menton et
quelques gouttes au cou
la lumière du néon se fige
soir d’été dans une rue adjacente pleine
de désolation
puis tremblote à nouveau la lumière
du néon rouge
archange des tarlouzes, je domine le trottoir
la pisse d’un des miens coule jusqu’à la bouche d’égout
et rend vitreux les pavés d’à côté
tu viens pour moi ? il jette le noyau sur un carreau de
l’immeuble d’en face fenêtre s’ouvre
mais personne ne s’avance pas de tête dehors
je viens pour lui mais il n’est jamais vraiment là
je lèche mon doigt et j’étale ma salive sur
son menton avant d’embrasser son cou
il se laisse faire un temps, gratte mes cheveux
puis s’en va

III.
mots qui fauchent
en douceur
loin de tout ce bruit
les grands mots qui
parlent, se taisent
des cordes vocales sont grattées
un air à la guitare comme celui
écouté la dernière fois
tard dans la nuit
tard dans la nuit
je m’en vais raser les murs
nul ne m’a vu partir
la date butoir est saignante
croyant que les mots
avaient un pouvoir effectif
il m’a fait former un récit qui m’encombrera
relecture
« c’est sûrement parce qu’il t’aime bien »

on s’endort ensemble peur d’être seul
dans nos certitudes

on dort ensemble
il pense qu’aimer un garçon comme moi
est une prison
il s’en va, et sans raser les murs : visible
tout le monde le voit partir
j’efface son numéro d’écrou
-lement de mes comptes
j’ai cru entendre « je ne t’oublierai pas »
rien de moi puisque je m’étends en sanglots
sur les dunes les formes de lui et sans procès
d’intention je dis : je prendrai la vie comme elle
vient
entende qui pourra

Une contribution de Baptiste Thery-Guilbert | « Né le 17 mai 1999 à Marseille. Né Baptiste Guilbert. Renommé Baptiste Thery-Guilbert plus tard. N’est pas embauchable. N’est pas à vendre. Vit à Toulouse. Est écrivain. On lui doit plusieurs romans : Pas dire, publié chez Annika Parance éditeur, Là où les trottoirs s’arrêtent publié récemment aux éditions Blast. » D’autres de ses textes s’apprécient en revues.

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