Dossier exclusif | Sur les traces de Pierre Albert-Birot (1876-1967) : un avant-gardiste méconnu

Par Éric Cuissard.

Le poète et nouvelliste Éric Cuissard vous fait (re)découvrir l’œuvre d’un poète inclassable : Pierre Albert-Birot à travers un dossier exclusif réalisé par ses soins.


Sommaire

Introduction

Pierre Albert-Birot (1876-1967)

Quelques poèmes de Pierre Albert-Birot

Quelques poèmes « à la manière de » façonnés par Éric Cuissard

Pour aller plus loin


Introduction

En touriste à Mortemart, 120 habitants, l’un des plus beaux villages de France avec sa halle , son église aux stalles sculptées, ses couvents, son château, je finis ma découverte par le château où se trouve une exposition-vente des ouvrages publiés par les éditions Rougerie.

Mais oui, c’est bien sûr ! Rougerie, Mortemart.

Une salle pleine de livres posés sur des tables et que l’on peut prendre dans ses mains, feuilleter.

Que des objets rares : Marcel Béalu , Fernando Arrabal, Joé Bousquet, René guy Cadou, Héléne Cadou, Xavier Grall, Roger Gilbert Lecomte, Saint Pol roux, Seuphor et tant d’autres connus ou moins pour des textes peu connus, des échanges épistolaires entre auteurs comme Pierre Reverdy lettres à Jean Rousselot. Bref, un paradis pour scribouillard toujours à l’affût d’une nouvelle rencontre littéraire. 

Je prends, après longs regards sur l’enfilade, au hasard dit-on, Humm ! Je prends Pierre Albert-Birot. 

J’ouvre, au hasard, humm ! Et je tombe sur SILEX QUARANTE ET UN POÈMES DES CAVERNES. J’achète l’ouvrage, je bâcle la fin de visite du château et je rentre à l’hôtel. Je lis, je relis les textes. Je les dis tout haut. Je suis dans la caverne, je suis dans le livre, je suis dans les mots. Je vis cette façon d’écrire je la prends je la comprends. Je feuillette le reste du recueil : Deux cents dix gouttes de poésie, les amusements naturels. De belles choses mais SILEX, j’y reviens.

Les jours suivants je me renseigne sur l’auteur dont je ne sais rien. J’apprends vite qu’il est né en 1876 soit 4 ans avant Apollinaire  dont-il fut l’ami et qu’il est mort en 1967 soit 50 ans après celle de ce dernier. Je découvre qu’il est le créateur de la revue SIC (Sons Idées Couleurs Formes) dont j’ai entendu parler. On me dit qu’il est le créateur du mot : « Surréalisme ». Je vois qu’il a été peintre avant de poétiser, qu’il a fait du théâtre, du cinéma, des marionnettes, de la sculpture ,de la gravure qu’il a été imprimeur et qu’il est l’auteur de Grabinoulour, un monstre de 1000 pages sans ponctuation.

Je découvre tous cela et je me dis : Comment ai-je pu passer à côté de ce géant ?

Une réponse : je ne suis pas le seul.

Une autre : Pierre Albert-Birot revendiquait sa différence, son unicité ce qui l’a desservi auprès des artistes de son temps qu’il a tous fréquentés et pour certains mis en valeur. Petit à petit ils se sont éloignés. Réellement seul alors, il a été oublié pendant que d’autres, moins talentueux, se faisaient valoir.

Son côté touche-à tout agaçait Soupault, par exemple.

C’est à rencontrer ce personnage fascinant que Pro/p(r)ose Magazine vous invite. Vous trouverez entre ces pages également quelques poèmes extrait de SILEX et quelques « à la manière de » parlant de notre époque dont le grotesque n’échapperait pas à nos ancêtres.


Pierre Albert-Birot (1876-1967)

Pierre Albert-Birot naît à Angoulême en 1876. Le père fait « des affaires » peu rentables, il partira avec une amie de sa femme abandonnant sa famille. La mère aime les arts. Elle joue du piano et chante. Débrouillarde, elle assure mais finira par déménager à Paris s’installant comme couturière en 1892. Pierre à 16 ans.

Pierre Albert-Birot

Il rencontre un sculpteur et entre aux Beaux Arts. Il s’initie dans un atelier de sculpture puis ouvre son propre atelier. Il s’intéresse à la philosophie.

Il se marie à la sœur d’un peintre. Ils auront quatre enfants. Il expose au salon des artistes français. Sa rigueur et quelque talent lui vaudront des commandes de l’état.  Il se sent pourtant coincé entre sa pratique, très classique, de la sculpture et un travail de restaurateur chez un antiquaire. Sa peinture, plus moderne mais qui reste figurative ne le comble pas non plus.

Il quitte femme et enfants et épouse Germaine de Surville une musicienne, avant la guerre qu’il ne fera pas, réformé.

C’est alors qu’il fonde SIC, il a quarante ans. Il découvre la typographie et rencontre par cette revue le gratin de l’avant-garde : Apollinaire, bien sûr mais par lui Salmon, Reverdy, Soupault, Modigliani, Cendrars pour ne citer que les plus connus.

La rencontre primordiale c’est Apollinaire et ce sera : Les Mamelles de Tirésias, pièce d’Apollinaire montée par Albert-Birot avec trois francs six sous.  Germaine compose la musique, Pierre recrute les acteurs aussi bien qu’il s’occupe des réservations, de l’impression des billets, des fournitures pour le décorateur Férat, pour la costumière Lagut.

Ce serait autour de la préparation de cette œuvre que le mot surréalisme aurait été créé.

Le sujet de la pièce : une femme refuse son statut et se transforme en homme pendant qu’elle pousse son mari à la procréation, comme la façon de le traiter déconcerte la presse spécialisée qui enrage. Plusieurs ténors de l’avant-garde aussi.

Apollinaire apportera quelques modifications pour les représentations suivantes et obtiendra la participation de Picasso et de Matisse pour l’ornementation du programme.

Apollinaire, victime de la grippe espagnole meurt en 1918.

Albert-Birot hold-up la poèsie. Fort de ses multiples pratiques il va «inventer » la poésie visuelle.

Il présente des poèmes peints qui sont exposés en galerie comme des tableaux. Deux expositions sont organisées qui auront un beau succès.

Suivront les poèmes affiches et les poèmes pancartes.

Ce travail et ses connaissances en typographie le conduisent à envisager la rédaction d’un recueil de textes « lisible et visible ». C’est un travail colossal, d’autant que Pierre Albert-Birot est exigeant.

Germaine prépare le matériel dans la journée (Il travaille toujours chez l’antiquaire) le soir ils tirent les épreuves. Il faut corriger, améliorer, changer, trouver des astuces pour traduire l’objet peint en typographie.

SILEX quarante et un poèmes des cavernes sera de cette veine : une typographie au service de l’appréhension du texte.

Il ira jusqu’à se passer des mots dans les poèmes à crier et à danser. Juste des sons comme, peut-on l’imaginer, s’exprimait l’homme primitif.

Germaine meurt en 1931.

Il lui écrit « Poèmes à Ma Morte », et s’enferme dans la solitude. Il y a pourtant les dîners autour de Grabinoulor que lui organise Jean Follain, tous les quinze jours.

Plus tard une jeune étudiante Arlette Lafont fait sa rencontre dans le cadre de ses recherches. Il se marieront en 1962. Toute la vie de la jeune femme devenu Arlette Albert-Birot sera occupée à faire valoir le travail de Pierre qui meurt en 1967.Elle continuera à faire vivre l’œuvre et les dîners qui auront lieu en fonction d’événements liés aux publications ou mises en scènes de l’auteur jusqu’à sa mort en 2010.


Quelques poèmes de Pierre Albert-Birot


Quelques poèmes « à la manière de » façonnés par Éric Cuissard


Pour aller plus loin


Une contribution d’ Éric Cuissard | Éric Cuissard né à mi-siècle dernier écrit poésie et nouvelles qui ont trouvé écho dans quelques revues souvent disparues aujourd’hui comme Sol’Air, Rétro-Viseur, Inédit nouveau, Friches etc… La revue numérique Lichen l’accueille régulièrement depuis le n°4. Il fréquente Les Amis de La Poésie de Montmartre. Il a publier 4 recueils:Rayons d’Enfance( LesDits duPont), Sténopé ( Sol’Air), Angles des Cris Purs (BoD)Le Résident des Interstices (Sajat).