Diversité & pluralité des architectures en Roumanie

Par Stacy Blin.

Il y a quelques années déjà, nous vous faisions découvrir dans les grandes lignes ce pays fascinant à la fois proche et lointain qu’est la Roumanie par un article intitulé La Roumanie, notre sœur de l’Est. Quelque temps plus tard, nous nous étions penchés sur l’art et les artistes roumains avec un article sur le surréaliste Ghérasim Luca et l’une de ses œuvres. Aujourd’hui, nous nous proposons de découvrir ensemble un autre aspect de la Roumanie qui reflète son histoire et sa culture : l’architecture. La Roumanie est en effet un pays riche historiquement et culturellement. Sa position géographique centrale entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest se manifeste par les influences culturelles diverses qu’a connues le pays au fil des siècles. Chacune des régions de la Roumanie, du fait de leurs passés historiques diversifiés, possède certaines caractéristiques architecturales propres. Les zones rurales du pays à l’architecture plus traditionnelle contrastent avec les villes aux styles tendant plutôt vers le moderne et le contemporain. Nous nous proposons ici de retracer dans les grandes lignes les différents styles architecturaux du pays, religieux ou laïques, en se focalisant sur certaines régions en particulier.

L’architecture antique : les Daces, les Grecs & les Romains

Les origines de l’architecture roumaine sont très lointaines et remontent aux Daces, un peuple vivant sur le territoire actuel de la Roumanie entre le Ier siècle avant Jésus- Christ et le Ier siècle après Jésus-Christ. Les constructions des Daces mêlaient le militaire et le religieux. C’est ainsi que leur capitale, Sarmizégétuse, était une cité fortifiée faisant également fonction de sanctuaire. Erigée dans les monts d’Orăştie en Transylvanie, elle est d’ailleurs l’une des six citadelles daces fortifiées inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1999.

Bien évidemment, l’architecture en Roumanie a été marquée par la présence d’autres peuples antiques. Du côté du littoral de la mer Noire par exemple sont présent des vestiges de comptoirs grecs, tels que la cité d’Histria. Les Romains, quant à eux, se sont illustrés par la construction de ponts et de divers monuments, comme celui commémorant la bataille d’Adamclisi (située dans l’actuelle Dobroudja). Les Daces utilisaient des matières premières pour leurs constructions tels que la pierre, la chaume ou encore le bois, qui est un élément important repris dans l’architecture traditionnelle.

L’architecture traditionnelle : l’exemple des Maramureș

Le bois utilisé par les Daces pour leurs constructions se retrouve dans l’architecture populaire roumaine que l’on peut admirer dans les régions les plus rurales du pays. Elle est particulièrement bien conservée dans les Maramureș. Cette architecture se reflète dans les encadrements de portes des maisons, parfois ornées de motifs végétaux et géométriques, mais aussi dans les célèbres églises en bois typiques de la région datant du XVIIIe siècle dont l’intérieur est décoré de peintures murales. Huit de ces églises sont d’ailleurs inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme celle du village de Bârsana (photo 1).

L’architecture médiévale avec les styles byzantin & gothique : l’exemple de la Moldavie, la Valachie & la Transylvanie

Dans la continuité de l’architecture religieuse abordée dans le paragraphe précédent, les églises en Roumanie ont évolué au fil du temps. De l’utilisation du bois, on est ainsi passé à de la brique et de la pierre, notamment dans le style byzantin. Tours massives, voûtes et fresques religieuses caractérisent les églises de ce type. Les monastères peints de Moldavie sont le parfait exemple du style byzantin. Erigés entre les XVe et XVIe siècles, l’une de leurs caractéristiques notoires sont les peintures extérieures représentant des scènes bibliques ou de la vie quotidienne. Certains de ces monastères sont d’ailleurs inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme le monastère de Moldovița (photo 2). Il va sans dire que la Moldavie n’est pas seule région de Roumanie à avoir adopté le style byzantin étant donné l’influence qu’a eue l’Empire romain d’Orient sur le pays. En Valachie, par exemple, l’architecture a fortement été influencée par les techniques de construction byzantines. C’est ainsi que l’on retrouve dans la région diverses églises et divers monastères inspirés du modèle byzantin, tels que le Monastère de Cozia (photo 3) ou l’église princière Saint-Nicolas de Curtea de Argeş (photo 4).

Un tout autre type d’églises a vu le jour dans la célèbre région de Transylvanie. Des églises fortifiées sur fond des Carpates, sorties de terre pour se protéger à l’époque des invasions turques notamment. Equipées de murs épais, de tours de guet et de meurtrières, sept de ces églises font partie également partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. La mieux préservée et l’une des plus grandes d’entre elles est située à Prejmer (photo 5). Toutefois, la Transylvanie est surtout connue pour abriter de très nombreux monuments puisant leur inspiration dans l’architecture gothique. Le style gothique se distingue notamment par la présence des caractéristiques suivantes : arcs brisés, tourelles, vitraux, sculptures (gargouilles ou figures humaines) et créneaux. L’église noire de Brașov, plus grande église gothique de Roumanie datant des XIVe et XVe siècles (photo 6), en est un exemple parfait. Du côté de l’architecture laïque, citons par exemple les châteaux de Bran (XIVe siècle, photo 7) et de Corvineşti (XIIIe siècle, photo 8).

L’architecture moderne avec le baroque, l’art nouveau & le néo-roumain : l’exemple de la Transylvanie, de la Dobroudja et de l’Olténie

En Transylvanie, bien qu’il se soit manifesté également dans les édifices religieux, le baroque se retrouve dans les villes de Cluj-Napoca (palais Bánffy, photo 9) et de Sibiu (palais Brukenthal, photo 10) et est marqué notamment par les volutes et les courbes dans les éléments architecturaux, mais aussi les sculptures et les frises.

Également décorés de nombreux détails architecturaux (motifs abstraits, formes organiques et florales), les bâtiments Art Nouveau, issu du mouvement symboliste, sont apparus au début du XXe siècle. Le casino de la ville maritime de Constanța, construit entre les deux guerres mondiales, en est un digne représentant (photo 11). Au XXe siècle, les influences étrangères sont toutefois contestées dans une Roumanie qui se cherche et aspire à s’affirmer avec un style bien spécifique. C’est dans ce contexte que naît le néo-roumain, popularisé par l’architecte Ion Mincu dès 1892. C’est un retour aux sources et aux racines en architecture et on remet par exemple au goût du jour le style typiquement roumain hérité du prince Constantin Brâncoveanu, le brancovien (le monastère de Horezu en constitue une représentation parfaite, photo 12), en y intégrant tout de même quelques touches modernes. Des bâtiments de ce type peuvent être rencontrés dans toute la Roumanie, comme Musée de l’Olténie (photo 13) situé à Craiova.

L’architecture de la période communiste & contemporaine : l’exemple de la capitale, Bucarest

Suivant les pas du style néo-roumain, le communisme souhaite renforcer le sentiment d’unité nationale après la Seconde Guerre mondiale. Bien évidemment, cela passe aussi par l’architecture qui a eu son rôle à jouer dans le renforcement de l’identité roumaine de cette période. L’architecture communiste est associée essentiellement à des bâtiments publics aux fonctions administratives et gouvernementales. Ainsi, le Palais du Parlement, situé à Bucarest, est un témoignage massif de l’architecture communiste, étant le deuxième plus grand bâtiment administratif au monde (photo 14). Si l’architecture communiste était plutôt à visée systématique (avec la construction en masse de quartiers-dortoirs aux bâtiments bétonnés très similaires et à l’architecture peu élaborée), la culture roumaine post-communisme à partir des années 1990 souhaite développer de nouveaux concepts et de nouvelles esthétiques aux formes plus audacieuses, avec l’utilisation de matériaux différents (comme le verre ou l’acier par exemple), tel le Bucharest Financial Plaza (photo 15).

Conclusion – Le style roumain : des influences de toute l’Europe

Comme nous avons pu le voir, l’architecture en Roumanie est composée en réalité d’une pluralité d’architectures. Tantôt tournés vers l’Orient, tantôt tournés vers l’Occident, les Roumains ont trouvé leurs muses architecturales dans l’ensemble de l’Europe avant de chercher à se créer un style qui leur soit propre et réhabilite les traditions locales. Byzantin, turc, hongrois, autrichien, allemand, français (rappelons que Bucarest est parfois nommé « Petit Paris des Balkans »), l’éclectisme des inspirations roumaines est clair. Par cela, il paraîtrait presque que la Roumanie, située au centre de l’Europe, serait une espèce de grand miroir reflétant et diffusant la pluralité des cultures du continent à travers son architecture.

Pour aller plus loin

Livres

Fezi, Bogdan Andrei. Bucarest et l’influence française. Entre modèle et archétype urbain. 1831-1921, Paris, L’Harmattan, 2005.

Houliat, Bernard. Guide Bleu Evasion. Roumanie, Hachette Tourisme, 2005.

Popescu, Carmen. Le Style national roumain : Construire une nation à travers l’architecture, 1881-1945, Rennes, Presses Universitaires de Rennes/Simetria, 2004